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Un ami de Théo raconte son passage à tabac par le même policier

Mohammed K. , habitant de Aulnay-sous-Bois et ami de Théo raconte le calvaire que lui a fait subir le même policier

 passage à tabac par les forces de l’ordre est-il une habitude à Aulnay-sous-Bois ? Théo, 22 ans, agressé le 2 février par quatre policiers de la Brigade spécialisée de terrain (BST), dont l'un qu'il accuse de l'avoir violé avec une matraque alors qu’il était en chemin pour rendre une paire de baskets à une amie de sa sœur, n’est semble-t-il pas un cas exceptionnel. Son ami Mohamed K., 22 ans aussi, avait rencontré les mêmes policiers quelques jours plus tôt. C’était le 26 janvier. Le jeune homme n’a alors pas porté plainte, "parce que je venais de trouver du travail et que je ne pouvais pas me permettre de risquer de le perdre".

"Toi aussi on va te fouiller"

Ce jour-là, il était rentré tôt de sa tournée de livraison, pour pouvoir faire des démarches, "aller aux Assedic". Mohamed K. est sorti acheter du pain. "J'ai vu un petit de la cité courir, avec derrière lui un homme de grande taille, vêtu d’un manteau à capuche avec de la fourrure." L’individu ne portait pas de brassard, "il a fait une balayette au petit à cinq mètres de moi, je suis intervenu, j’ai demandé ce qui passait". L’homme a ôté sa capuche et indiqué qu’il était policier.

Mohamed K. raconte qu’il a mis le jeune au sol pour lui enfiler les menottes, et qu’ils sont repartis à pieds tous les deux. Le livreur a poursuivi sa route avec un copain vers la boulangerie.

"Et je vois sur mon chemin deux policiers, dont l’homme à la capuche. Ils me disent 'viens là, toi aussi on va te fouiller', j’ai répondu que je voulais juste aller acheter ma baguette et rentrer chez moi, mais ils ont insisté."

Tout le monde l'appelle "Barbe Rousse"

Mohamed K. demande à son ami de rester à l’écart, "parce que je ne voulais pas qu’il y ait de problème, je me suis dit, ils vont me palper et c’est bon". Mais l’agent de police "me pousse vers l’entrée d’un bâtiment", aidé d’un de ses collègues. Un troisième policier sort du hall.

"On le connaît dans le quartier, c’est le même que celui qui a pénétré Théo avec sa matraque, tout le monde l’appelle 'Barbe Rousse'."

Mohamed K. explique que les trois fonctionnaires lui "font des croche-pattes" tentant de le "mettre à terre". Une fois dans l’immeuble, il reconnaît le "petit jeune arrêté juste avant moi, qu’ils sont en train de déshabiller". Là, le contrôle dégénère :

"Ils me frappent, coups de pied, coups de poing au visage, dans le ventre, dans le dos, je saigne parce qu’ils m’ouvrent le crâne, je leur dis que je suis essoufflé, ils me traitent de 'sale noir', de 'salope', ils me crachent dessus."
"'Barbe Rousse' me cogne avec sa matraque. Un des policiers me braque à bout portant avec son Taser, et me dit 'laisse-toi faire ou je te tase'."

Mohamed K. affirme ensuite :

"Les agents me menottent, me balayent au sol, m’écrasent la tête, me donnent des coups de genoux dans les yeux, je voyais mon sang au sol, j’essayais de ramper."

Des voisins entendent les cris, les coups. L’un d’eux "ouvre sa porte, mais la referme aussitôt, effrayé". Selon Mohamed K., la scène a duré 30 à 40 minutes.

Photos de Mohamed avant et après l'agression. (DR)

"Ils m'ont de nouveau frappé, traité de 'sale noir'"

Pour le conduire au camion de police, poursuit Mohamed K., les agents de la force publique, croisant des habitants choqués, braquent ces derniers avec leur flash-ball. "Barbe Rousse" et un autre de ses collègues lui ordonnent de s’asseoir "par terre". Mohamed K. s’installe sur le siège.

"Ils m’ont de nouveau frappé, traité de 'sale noir' jusqu’à ce que je finisse au sol."

 

Au commissariat, le jeune livreur les alerte : "J’avais du mal à respirer, et je ne comprenais pas ce que je faisais là." Les policiers l’informent qu’il est en garde à vue pour "outrage et rébellion". Puis l’emmènent au service médico-judiciaire de l’hôpital Jean-Verdier à Bondy. "On me fait un bain de bouche, on m’essuie le sang, on me donne un Doliprane. Je supplie de ne pas retourner en garde à vue, une infirmière me soutient. Le médecin se tait. Et me dit seulement : 'Je t’ai mis cinq jours d’ITT (interruption temporaire de travail), tu retournes au commissariat.'"

(DR)

Mohamed K. est resté 24 heures en garde à vue, sans comprendre ce qui lui était reproché. Il dit que lorsqu’il s’est réveillé le matin, il avait les yeux "si gonflés par les coups reçus" qu’il n’y voyait plus rien. Sa famille, alertée par un ami, a appelé plusieurs fois le commissariat pour prendre des nouvelles : "Il leur a été répondu que j’allais sortir."

Les policiers à l’origine de l’interpellation de Mohamed K. ont porté plainte contre le jeune livreur. Un officier de police judiciaire a auditionné Mohamed K. et l’a informé de la plainte déposée par ses collègues contre lui. L’un d’eux a même eu trois jours d’ITT (interruption temporaire de travail). Il s’est tordu le petit doigt. Mohamed K. ne conteste pas, il précise : "Parce qu’il me frappait." Mohamed K. a décidé de porter plainte. C’est l’avocat de Théo, maître Eric Dupond-Moretti, qui se charge de le défendre.

Mis à jour mardi 14 février à 12h20 : après la parution de notre article, la préfecture de police annonce avoir saisi l'IGPN (l'Inspection générale de la police nationale), afin d'ouvrir une enquête.

Source : Nouvelobs.com