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Marseille : 50 Balles pour un parrain du trafic de drogue

Allauch (Bouches-du-Rhône), le 7 février. Le meurtre, la semaine dernière, de Medhi Remadnia risque d’entraîner des répliques et une redistribution des cartes entre trafiquants de drogue de la cité phocéenne.

 

Mehdi Remadnia, alias l'Ours de Font-Vert, était présenté comme un des parrains de la drogue. Cinquante balles de kalachnikov viennent d'achever sa carrière.

S'il faut mesurer l'importance d'un caïd au nombre de balles tirées par ses tueurs, alors Mehdi Remadnia mérite son étiquette de parrain de la drogue des quartiers Nord de Marseille (Bouches-du-Rhône). Une cinquantaine de balles sont sorties des kalachnikovs pour l'abattre le 7 février. Il venait de déposer une amie devant chez elle à Allauch, dans la périphérie de Marseille.

 

La mort de cet homme de 33 ans, surnommé l'Ours de Font-Vert, du nom de son quartier d'origine dans le XIVe arrondissement, risque d'entraîner « une large recomposition du paysage criminel au sein du narco-banditisme marseillais », assure une source judiciaire locale. Père de trois filles, âgées de 6, 7 et 16 ans, Remadnia était sorti de prison en mai 2016 après avoir passé quatorze ans derrière les barreaux. Malgré cette longue incarcération, Mehdi Remadnia, décrit comme particulièrement charismatique, serait parvenu à garder la mainmise sur une partie du juteux trafic de stupéfiants dans sa cité, considérée comme un des « hauts lieux de revente ».

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Mehdi Remadnia a passé quatorze ans derrière les barreaux, d’où il aurait gardé le contrôle du trafic de drogue dans sa cité grâce à de nombreux complices (DR). 

 

Né d'un père berbère des Aurès et d'une mère originaire d'Oran (Algérie), Mehdi Remadnia avait été condamné en août 2004 à quinze ans de réclusion criminelle pour avoir participé à une tentative d'évasion d'un de ses amis d'enfance, deux ans plus tôt, dans un hôpital de Toulon (Var). A l'époque, Saber Moussaoui, originaire de la Paternelle, une cité à deux pas de Font-Vert, y avait été hospitalisé après avoir été blessé lors de son interpellation par la police.

Il voulait étendre son trafic

« La mort de Mehdi Remadnia, qui risque d'entraîner des répliques, va aussi aboutir à une redistribution des cartes entre trafiquants », assure un enquêteur de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Selon cette même source, le parrain présumé s'était rapproché de gérants d'autres points de vente, situés en dehors de Font-Vert, afin d'étendre son trafic. « Il a été évoqué des prémices d'alliance avec des dealeurs de la cité Air-Bel dans les quartiers sud de la ville mais aussi du côté de Bassens et de la Jougarelle dans la cité de la Castellane, ajoute la même source. On estime qu'il contrôlait l'un des quatre ou cinq gros clans spécialisés dans les stups à Marseille. » « Depuis sa sortie de prison en mai 2016, rien n'a pu lui être imputé, tempère un policier, spécialisé dans la lutte contre les narcotrafiquants. Mais s'il est resté ici, alors qu'il se savait recherché par beaucoup de monde, c'est qu'il avait certainement de gros intérêts à défendre. »

 

« A Font-Vert, le trafic de drogue était historiquement tenu par certains membres de trois familles bien connues des archives de l'Evêché, siège de la police judiciaire à Marseille, confie un haut fonctionnaire. Il y avait les Remadnia d'un côté et les Tir et les Berrebouh de l'autre. » Dans cette concurrence commerciale sans merci, depuis un peu plus de six ans, les règlements de comptes s'empilent.

 

« Cette lutte féroce pour le contrôle du trafic a démarré avec le meurtre de Karim Seghier le 3 août 2010. Il était affilié au clan Remadnia, poursuit la même source. Depuis, ce sont 18 réglements de comptes et 5 tentatives qui ont été recensés. En tout, 19 morts et 10 blessés. C'est une des oppositions les plus sanglantes à Marseille. »

 

L'Ours de Font-Vert a lui-même perdu un frère, Ilyas dit Jojo, 26 ans, et un cousin, Zakary, alias Zack, 23 ans, respectivement tués en avril 2012 et à l'été 2014. D'après plusieurs sources, Medhi aurait, de son côté, commandité les meurtres d'au moins trois de ses « concurrents ». Pour garder le contrôle sur ses affaires malgré sa détention, Remadnia, le « détenu exemplaire », toujours entouré d'une solide garde rapprochée, se serait notamment rendu, au cours d'une permission de sortie, en ctobre 2013, dans sa cité d'origine afin de s'en prendre au gérant d'un point de vente concurrent, installé au pied du bâtiment C.

 

L'Ours de Font-Vert souhaitait apparemment se diversifier. Il aurait convoité des discothèques du côté d'Aix-en-Provence, contrôlées par des membres du milieu corse. « La liste des gens qui lui en voulaient est bien longue », soupire un proche de l'affaire.

 

« Mon neveu était beaucoup plus estimé que craint ! » le défend son oncle par alliance, l'avocat Jacques-Antoine Preziosi, dont l'épouse, Nora Preziosi, est adjointe (LR) au maire de Marseille. « C'était un garçon hors du commun et le plus intelligent de tous, renchérit-il. C'était un leadeur naturel et pas un homme de conflit. Il a hérité des ennemis de son frère Ilyas. Je suis bouleversé par sa disparition... Je n'en veux même pas aux pauvres gosses qui sont en face. Ils sont tout aussi à plaindre d'un côté comme de l'autre. C'est le vrai désastre de ces cités maudites. »

 

Des équipes de tueurs
 

Au printemps 2016, les enquêteurs de la direction interrégionale de la police judiciaire (DIPJ) de Marseille ont interpellé plusieurs hommes de main présumés, liés à l'Ours de Font-Vert et soupçonnés d'être mêlés à plusieurs règlements de comptes. « Une équipe feu, c'est-à-dire de tueurs, dans le jargon policier, a été identifiée dans l'environnement de Mehdi Remadnia, assure un haut fonctionnaire. L'un de ces membres, Mohamed S., 39 ans, a été interpellé, fin mars 2016, alors qu'il s'apprêtait à s'en prendre à un homme du clan des Berrebouh. » Le même suspect a également été mis en examen, quelques semaines plus tard, dans le cadre de l'enquête sur l'assassinat de Karim Tir, abattu en juin 2014 à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Une deuxième équipe de porte-flingues dite des Carmes — du nom d'un quartier de Marseille —, aurait aussi été associée à plusieurs vendettas contre les concurrents du clan Remadnia.

 

Source : Le Parisien